Jour 6 – Ping Yao, une ville musée

Nous sommes arrivés dans la nuit à Ping Yao et avons pu profiter de son atmosphère nocturne. Le matin est un autre jour, une autre ambiance. L’hôtel conserve son charme romantique et de temps ancien, avec ses petites calebasses tombantes et sa petite pagode.

Notre guide pour la journée, Nicolas, nous emmène d’abord au musée de la banque. Eh oui, Ping Yao fut le premier centre économique du temps du Moyen-Âge chinois et la première banque crée en Chine. Le commerce se développant, il devenait dangereux de transporter de gros montants d’argent. L’invention de la banque a permis de sécuriser les transports de fonds. En réalité, il s’agissait de bureau de change : chaque bureau possédait des fonds et, sur lettre de change, le marchand pouvait récupérer la somme d’argent dont il avait besoin.

Le système était organisé de manière hiérarchique : le directeur de la banque centrale définissait les directeurs adjoints et les administrateurs des succursales. Et pour éviter les fraudes, il y avait une seule personne par succursale habilité à écrire les lettres de change, dans un langage codé qui changeait tous les trois mois. Ajouté à cela, un système de filigrane… assez impressionnant !

Dans la partie souterraine se trouvait le coffre-fort avec les lingots d’argent et d’or. Enfin, en Chine, on parle plutôt de taëls et ils sont en forme de bateau… Pas pratique à empiler mais il symbolise le véhicule capable de naviguer sur l’eau. L’eau qui est à la fois un symbole de richesse mais aussi un élément incertain, dangereux. Le bateau est donc la promesse d’un voyage sécurisé. D’ailleurs, les toits de Ping Yao ont cette particularité d’être courbés, en référence à ces taëls/bateaux. Nous observons que les toits ne sont que d’un seul côté : Nicolas nous explique que c’est normal, que c’était pour recueillir l’eau car la région est assez aride. On a du mal à le croire vu le mauvais temps que nous avons eu, il rit disant que c’est assez exceptionnel. Chance pour nous, la pluie était fine et s’est vite arrêtée aujourd’hui.

Même les bancs sont en forme de Taëls pour attirer la fortune…
Petite attraction : on pouvait acheter une fausse lettre de change
et se la faire changer contre des faux Taëls…
Un des coffre fort

Nous continuons la visite de la vieille ville. Nicolas nous explique que vue du ciel, elle ressemble à une tortue — le mot tortue étant un homophone de longévité. Il y a quatre portes de la ville qui suivent les points cardinaux et qui représentent tour à tour la tête, les pattes et la queue du reptile. Vous l’aurez compris, les Chinois du Moyen-Âge ont respecté les principes du Feng Shui de la construction des murs de leur ville à celle de leurs maisons et cités. C’est d’ailleurs ce type de détails que nous retrouverons tout le long de notre visite : des murs qui font face aux portes d’entrée pour protéger les entrées des mauvais esprits, des fresques avec cinq chauves-souris entourant le mot « bonheur » (car le mot « chauve-souris » est aussi un homophone de bonheur)… La superstition des Chinois n’est pas un mythe !

Il faut réussir à imaginer la tortue… Elle a plutôt une carapace carrée
mais on devine bien la tête !

Après deux bons bols de nouilles fumants (nous sommes toujours dans la région des nouilles), direction la maison des Wang. Cet agriculteur se lance dans le commerce et s’enrichit considérablement avant de mener une prestigieuse carrière administrative. Le clan Wang s’est perpétué sur 27 générations et 680 années, rien que ça. Et on ne peut pas dire que la famille ait manqué d’argent avec ses 9000 mètres carrés, 3 quartiers, 6 grandes cours et 19 cours plus petites et 1600 chambres… Une véritable cité à elle seule ! Pendant la Révolution culturelle, elle sera occupée par les révolutionnaires prolétaires, ce qui évita probablement sa destruction. Aujourd’hui, ces trois quartiers sont habités au 2/3 dont une partie a été transformée en hôtel et 1/3 seulement visitable en tant que musée.

Les cours sont vraiment très jolies et ornementées à souhait. Par contre, nous ne retrouvons pas les couleurs flamboyantes de la cité interdite : normales, elles sont soient réservées à l’Empereur et à la famille royale ou aux lieux et fonctions de cultes. Pour le reste, tout est gris ou noir mais en balsate. La famille Wang a beau être riche, elle n’est pas royale. Cela démontre une véritable hiérarchie de la féodalité chinoise.

Si la cité n’a pas été détruite par les gardes rouges, elle a souffert de quelques destructions : les statues de divinités de la terre ont été détruites, laissant les niches vides. La révolution culturelle a à la fois conduit à la modernisation de la Chine et à la destruction d’une grande partie de son patrimoine et de son histoire.


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