Je suis allée voir l’exposition des Black Indians au Quai Branly in extremis. Comme toujours, le musée nous offre un sujet anthropologique passionnant abordé sous plusieurs angles : politique, social, culturel et, bien sûr, artistique.
D’abord, le contexte socio-politique : l’exposition retrace l’histoire de la création des États-Unis en parallèle de la traite des esclaves et le triomphe du capitalisme et du modèle de la marchandisation de l’humain (les chefs de tribus africains vendaient leurs hommes pour des pacotilles en verre, nous rappelle le musée). L’esclavagisme, la lutte pour son abolition qui participe à la guerre de sécession, la ségrégation et enfin, l’actualité des États-Unis nous rappelle combien la discrimination raciale est loin d’être terminée.
C’est dans ce contexte de violence qu’émerge peu à peu le mouvement des Black Indians. Inspiré des Amérindiens – qui ont également subi la violence de destruction et d’usurpation identitaire de la part des colons – et des carnavals où costumes, masques et danses hérités de la Louisiane, le mouvement est une belle démonstration de l’art face à la violence. A la fois hommage à la spiritualité ancestrale de l’Afrique noire et in fine, à ses racines (vodù*), rassemblement social (les Social Aids, système d’entraide face à la démission du gouvernement…) et performance artistique (carnaval et danse), le mouvement Black Indians est une proposition de la croisée des luttes ni mièvre, ni violente sans pour autant exclure la démarche contestataire de la situation.
Ce qui m’a personnellement frappée a été l’utilisation du vodù dans cette démarche contestataire : ayant eu la chance de partir en résidence artistique dans le berceau du vodù, le Bénin, et d’assister à plusieurs cérémonies et rituels, il m’a semblé qu’il y avait là un mélange très puissant du monde spirituel au monde dit « profane ». A l’heure où le sacré est camouflé et détourné, il est étonnant de voir une affirmation aussi directe en lien avec une spiritualité : dans le vodù (comme dans toute spiritualité**), l’Homme initié est un pont entre le ciel et la terre. Intercesseur divin, il est le réceptacle du monde divin, destiné à faire passer des messages épouse de la divinité. Il devient la divinité pendant sa transe. En incorporant des éléments rituels dans un mouvement contestataire sous une forme artistique, les Black Indians affirment à la fois leurs racines, leurs héritages et placent l’art comme médiateur entre le divin et le terrestre, un beau clin d’œil.
*ou vodou, le vodù est l’orthographe la plus proche de l’appellation africaine.
**lire L’Homme et l’Invisible de Jean Servier à ce sujet
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